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Conseils sur les relations
La Lettre De...Habibitch

Écrit par Habibitch

Quand j’ai grandi, Il n'y avait pas Internet. Bon, je n’ai pas 67 ans non plus, mais disons que mon adolescence a vécu les débuts de cette nouvelle forme de communication qui allait être au centre de nos vies en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Le dating dans les années 90

En ce qui concernait la vie amoureuse et sexuelle, les seules rencontres possibles étaient celles de la vie réelle, comme on l’appelait dans les années 90. Ce qui a rendu les premières interactions virtuelles hyper excitantes – bien que flippantes-, et je me souviens parfaitement de l’émoi de ces premières plateformes 2.0 : Skyblog, msn, nrj chat - you name it i was on it. Et surtout Skyblog qui, on ne va pas se mentir, est clairement l’ancêtre d’Instagram – même si on ne dit plus « lâchez vos com’s » sur Instagram c’est le même principe hein. Et ces plateformes ne représentaient certes pas du online dating à proprement parler, mais l’intention était clairement la même : se rencontrer sans se connaître ni se voir – d’autant que la possibilité était peu fréquente à l’époque-, et je me rappelle parfaitement de ma fascination pour le contact facile avec de complet.e.s étrangèr.e.s.

L’hétérosexualité comme norme imposée

Le contact facile, surtout celui avec les mecs, of course, puisque j’étais - emploi du passé volontaire- une fille. Et que les filles ça se fait draguer par les mecs et que les mecs ça drague les filles. Oui, bon. On est toutes un peu revenu.e.s de ça – du moins je vous le souhaite -, mais avoir quinze ans en Vendée dans les années 2000 je vous promets que c’est pas évident. En Vendée ou partout en France d’ailleurs, où l’hétérosexualité était (est ?) une norme, et comme toutes les normes, elle n’est pas pensée. Elle est. Elle s’impose, s’infiltre, existe, ne se questionne pas, ne se verbalise même pas. On est hétéro ou on n’est pas en fait. Donc j’étais hétérosexuelle à l’époque, ou en tout cas je n’y pensais pas, bref vous avez capté. Je multipliais donc les conversations virtuelles avec de parfaits inconnus, échangeant des photos parfois, toujours sur un fond de flirt, maladroit bien entendu et même malaisant la plupart du temps, mais satisfaisant dans cette quête de la séduction de l’adolescence - qui est finalement une quête de soi je trouve. J’avais même fini par rencontrer un de ces inconnus pour de vrai et c’était intéressant : la première prise de conscience que l’écrit de la conversation virtuelle arrondit les angles et n’a rien à voir avec la conversation irl. Et puis ce constat ne m’a jamais vraiment lâché, j’ai toujours privilégié les rencontres de la vraie vie – and again, social media were not a thing during my early 20’s.

Sortir de l’hétérosexualité

Mais c’est donc dans la vraie vie que j’ai rencontré la personne qui allait me faire sortir de l’hétérosexualité : ma première meuf.

Il y aurait beaucoup d’étapes à raconter bien évidemment, mais ce qui m’intéresse de vous partager ici c’est mon propre voyage de déconstruction du système politique qu’est l’hétérosexualité. J’étais en couple à l’époque, dans une relation tout ce qu’il y a de plus normée, mec cis blanc appart et chat, the whole straight-life package. Et puis un jour je rencontre cette personne dans la salle de classe de mon Master 1 à Sciences-Po. Là c’est comme dans les films, tout passe au ralenti (j’vous jure), sa démarche, son rire tonitruant, ses cheveux, surtout ses cheveux longs et noirs avec des mèches qui s’échappent et qui traînent sur ses épaules sans vêtements parce qu’elle portait un débardeur noir ce jour-là. Un débardeur noir et un jean slim violet criant, avec une casquette et des grandes lunettes de vue carrées. « Comment elle s’appelle ? » - je me souviens de tout. Les jours passent, pas un sans que je ne pense à elle. J’en parle à mon mec (oui oui), je lui dis que j’ai une sorte de crush sur une fille de ma classe, il me dit que j’ai sûrement envie d’être son amie parce qu’elle est charismatique. Je dis « ah oui ça doit être ça», mais je sais. On est restées trois ans ensemble. Il m’a cependant fallu plusieurs mois pour comprendre que je n’étais pas hétérosexuelle, voire que je n’étais pas une femme – pour citer Monique Wittig, qui écrit que les lesbiennes, existant en-dehors du marché hétérosexuel et du cadre de l’hétéronorme, « ne sont pas des femmes ». J’apprenais donc que tout était construit, mon orientation sexuelle comme mon genre comme ma catégorie de sexe : autrement dit, découverte de la queerness ; autrement dit : révolution.

Se déconstruire pour se reconstruire

Parce que j’étais déjà politique, révoltée, engagée, pour la libération de la Palestine et contre le racisme notamment, du fait de mon algérianité, mais je n’avais pas nécessairement les mots pour penser ma politisation. Et sans la verbalisation pas de projection, pas d’identification, pas de construction possible. Avec les mots, se penser soi devient possible, se penser soi pour soi, se déconstruire pour se reconstruire, mais aussi se penser soi dans une communauté. Une communauté qui se ressemble par ses différences, la beauté du truc quand même.

Le Queer est politique

Et c’est compliqué parfois, parce que le capitalisme est doué à s’approprier les marges qui se créent pour lui résister, mais queer c’est pas une posture, c’est pas une mode, c’est pas une trend, c’est pas une marque de fabrique, c’est pas un adjectif de soirée. C’est un putain de positionnement politique et identitaire permanent et transversal.

Queer,

Hors de l’hétérosexualité ;

Queer,

Anti-raciste, anti-classiste, anti-sexiste – le triptyque intersectionnel de base ;

Queer,

Anti-validisme, anti-grossophobie, anti-putophobie, anti-islamophobie ;

Queer,

Anti-keufs, anti-Etat, anti-système, décolonial ;

Queer,

Tout est politique, tout est construit ;

Queer,

Sortir des normes, hors normes ;

Queer,

Tout est à déconstruire, puis reconstruire ;

Queer,

Politique, social.e, relationnel.le, amoureuxse.

Queer, ma vie.

Queer, une invitation à la déconstruction.

La série « La lettre de.. » donne la parole aux artistes mondiaux issus de la communauté LGBTQIA+, en leur donnant toute liberté de création pour partager leurs histoires personnelles, leurs joies mais aussi leurs déceptions liées aux rencontres amoureuses. 

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