Alors comme ça, je suis "exotique" ?

Il y a quelques semaines, quand je me suis mise à écrire mon expérience en tant que femme racisée dans le dating, j’étais vraiment emballée. Emballée parce que d’abord, j’adore raconter ma vie, j’en ai même fait mon métier; mais surtout comme toutes femmes racisées, j’ai pas mal de choses à dire sur le sujet.

Mais au moment de me poser devant mon ordinateur pour écrire, j’ai bloqué comme une app de streaming sur Windows 95. Pas que je n’avais rien à dire, au contraire ! J’avais tellement à dire sur le sujet que je ne savais même pas où piocher.

Depuis Anne-Sarah après J-C, j’ai continuellement vécu des micro-agressions et du fétichisme d’aussi loin que je m’en souvienne.

Depuis Anne-Sarah après J-C, j’ai continuellement vécu des micro-agressions et du fétichisme d’aussi loin que je m’en souvienne. Ces remarques, gestes ou questions à l’allure banale qui cachent en vérité beaucoup de violence qu’iels soient intentionnel.le.s ou maladroites.

Ça va d’un.e inconnu.e qui pense avoir un pass VIP pour enfoncer sa main dans mon afro, à des questions sur mes performances au lit, à comment c’est de coucher avec une noire comme si je faisais partie d’un pack Bongo aventure pour une expérience de saut à l’élastique.

Et l’envers de ces micro-agressions, c’est le fétichisme. Du, “vous, les femmes noires, vous êtes de vraies lionnes et vous avez des boules (fessiers) de ouf” aux gars qui pensent que me parler de Black Panther, de moambe ou de mafé au premier date va me faire fondre comme granita au soleil. Ce qui peut paraître maladroit cache surtout une forme de post-colonialisme enfoui dans les consciences : je ne suis pas une personne à part entière, j’incarne ma couleur de peau et tous les stéréotypes qu’on lui attache.

Ça reste entre nous mais je n’ai pas toujours eu la bouche que j’ai aujourd’hui pour “call out” ces remarques ou comportement déplacés.. Quand en premier DM, on reçoit un “t’es belle pour une noire” et que cette personne s’attend à ce que tu souries et dises merci comme si on venait de t’offrir un ticket pour Cancùn ou une année de courses gratuite à ton “hyper” préféré (chacun ses rêves et ses aspirations… No comment), tu perds tes moyens.

Quand ça arrive plusieurs fois par semaine, et même plusieurs fois par jour...

Ça paraît tellement absurde que tu te demandes si les planètes se sont mises d’accord pour s’aligner et tester tes limites. Et quand ça arrive plusieurs fois par semaine, et même plusieurs fois par jour, ce qui te faisait doucement sourire commence fortement à te blesser.

Personnellement, je puise déjà une partie de mon énergie, au quotidien, pour faire face et avaler la pillule alors commencer à expliquer, à CHAQUE FOIS (oui, je crie), pourquoi c’est problématique et faire face à des réactions telles que “Mais c’est gentil”, “Tu sais pas prendre un compliment”... Ton cerveau finit par faire des roues arrière en T-max sur le périph.

C’est traumatisant, humiliant, déshumanisant.

Tu finis presque par te dire que “c’est comme ça” et à être reconnaissant.e quand on te “match” sur une app. Comme si on te faisait une faveur parce qu’on qu’on voulait bien de toi. Quand tu kiffes quelqu’un, tu finis par te demander si cette personne aime les noir.e.s et voudra bien de toi, au lieu d’un simple “Va t-elle kiffer ma personnalité ?”.

Je n’ai pas la chance de pouvoir être jugée sur comment mes blagues sont graves lourdes ou sur ma mauvaise habitude de mettre des mots en anglais pour “no reason” dans toutes mes phrases.

Si vous êtes victimes de ces micro-agressions et commentaires fétichistes, voilà comment tenter d’y faire face :

Alors vous vous reconnaissez peut-être dans ce que je raconte ? Que ce soit dans le rôle de la personne décrite comme un bouquet comestible aux fruits exotiques ou dans celui de la personne qui tient ce genre de propos ou pose ce type de questions.

Si c’est le cas, ne vous inquiétez pas ! C’est comme quand on a la mauvaise idée de couper sa frange soi-même après avoir regardé une vidéo DIY douteuse : au final, vos cheveux repoussent ! Ce qui veut dire que tout peut se rattraper et qu’on peut changer les choses.

Si vous êtes victimes de ces micro-agressions et commentaires fétichistes, voilà comment tenter d’y faire face:

  • Apprendre à se défendre
  • Ne pas hésiter à pointer chez votre interlocuteur les comportements et phrases qui vous ont dérangé.e
  • Savoir quitter une situation, conversation quand vous sentez de la mauvaise foi ou de l’agressivité de la part de la personne en face de vous.
  • Partager vos expériences avec des personnes de confiance, parce que comme un tote bag trop rempli, vous finirez par craquer et on essaie de préserver sa santé mentale en 2021

Si vous êtes de l’autre côté, à savoir la personne qui reproduit ce ce type de comportement, gestes et commentaires, voilà comment se déconstruire:

  • Écouter la personne que vous avez blessée, sans l’interrompre pour vous justifier d’une façon qui sera peut-être (sûrement) maladroite.
  • Ne pas minimiser les sentiments et ressentis de cette personne
  • Réfléchir à ce qui vous a amené.e à agir, réagir de telle ou telle manière avec cette personne (idées reçues, stéréotypes,...).

À bon entendeur,

Bisous

Anne-Sarah N'Kuna Mayama