Une étude menée par Badoo révèle que plus d’un tiers des personnes interrogées ont déjà été confrontées à des micro-agressions, souvent imperceptibles, mais faisant partie intégrante de leur expérience de vie. Explications.
«T’es belle/beau pour une noire / asiatique / arabe», «Oh t’avais l’air plus mince en photo, ça ne me dérange pas, mais je suis surpris.e», «Il est marrant ton afro», sont autant de phrases qui peuvent paraître anodines au premier abord, mais qui relèvent de micro-agressions, notamment dans le cadre du dating.
«T’es belle/beau pour une noire / asiatique / arabe», «Oh t’avais l’air plus mince en photo»...
Imaginez rencontrer une personne pour la première fois et recevoir ce type de remarques, alors que vous avez sans doute passé des heures à réfléchir à votre tenue ou à votre coiffure, dans le but de faire bonne impression ?
Une micro-aggression se définit par un commentaire ou comportement (intentionnel ou irréfléchi) qui nourrit les stéréotypes et les représentations négatives visant à opprimer ou marginaliser certains groupes sociaux, selon leur couleur de peau, leur religion ou leur corpulence. Les chiffres publiés dans le cadre de l’étude sont plutôt inquiétants : 43% des Français ont déjà subi une micro-aggression dans leur vie quotidienne et 60% estiment qu’elles sont monnaie courante dans le dating, les femmes étant les principales touchées, notamment les femmes noires, lesbiennes ou maghrébines qui sont tantôt vues comme «exotiques», tantôt ramenées à des clichés bien ancrés.
Ces micro-agressions commencent dès la bio, les commentaires du type «Moins de X kilos» ou «Fantasme geisha» sont humiliants et se poursuivent jusqu’au premier date.
Spoiler : c’est le pire moyen pour séduire, c’est même plutôt un tue-l’amour !
«Ce qui me plaît le plus chez toi, c’est de pouvoir être moi»
Comment faire pour les éviter, est l’une des questions auxquelles répond la campagne déployée par Badoo avec pour slogan «ce qui me plaît le plus chez toi, c’est de pouvoir être moi» : plutôt que de vous demander ce que vous attendez de l’autre, laissez-vous plutôt emporter par la surprise, au-delà des normes de beauté établies. Il serait aussi préférable d’arrêter d’avoir une image définie en tête, puisque votre idéal ressemble évidemment à ce que vous voyez dans les magazines, ou à ce que l’industrie porno véhicule : c’est très loin de représenter la pluralité des personnes dans la vraie vie. L’une des premières choses à faire est de se renseigner sur la personne que vous venez de rencontrer derrière votre écran de smartphone, qui est-elle, que fait-elle, qu'aime-t-elle ? C’est à partir de tous ces échanges que vous allez pouvoir aller au-delà de la simple appréciation physique, mais plus que ça renseignez-vous, lisez, écoutez un podcast !
C’est ce que préconise Miguel Sema, créateur d’un compte Instagram qu’il a créé pour «montrer l’impact des rapports sociaux de race dans le champ du désir et de l’amour», notamment dans le milieu LGBTQ+ où les minorités deviennent encore plus minoritaires : «Subir du racisme dans l'un des rares espaces où il est possible de vivre sa sexualité, est extrêmement violent.».
Le plus difficile dans les micro-agressions, c’est de savoir les repérer, puisqu’elles passent parfois pour des compliments
Les personnes qui en sont victimes ont souvent du mal à les voir, ni à savoir comment réagir… Pour Miguel, la théorie a été essentielle dans sa démarche et c’est ce qu'il fait à chaque fois qu’il partage une publication, en mettant du contexte et des outils pour comprendre en quoi c’est problématique. Il cite Didier Eribon, le sociologue et philosophe français qui a notamment théorisé sur la question gay. «On n'insistera jamais assez sur tout ce qu'il faut de mise en perspective historique, tout ce qu'il faut d'analyse sociologique, tout ce qu'il faut de réflexion théorique pour être en mesure de comprendre les paroles, les regards, les gestes, les sentiments, les émotions, en un moment donné, et aussi les relations entre des individus engagés dans une interaction, fût-elle distante et involontaire.» Connaître son propre corps face au monde et aux autres est une manière de se le réapproprier et de ne plus laisser le regard de l’autre prendre le dessus. C’est arriver à un date sans avoir peur de la réaction de l’autre et sans le laisser vous diminuer par des remarques désobligeantes. Inverser les rôles est aussi un bon outil pour reprendre le pouvoir, «celui qui dit qui est», version adulte.
C’est pour cette raison que les comptes Instagram comme ceux de Miguel sont essentiels. D’autres comme corpscool, sansblancderien, femmes noires VS Dating apps et tant d’autres, permettent de comprendre les dynamiques racistes, sexistes, grossophobes et LGBTphobes, mais aussi des concepts comme la mysogynoir et la fétichisation. Ce n’est pas la peine non plus de transformer chaque rendez-vous en cours magistral, mais ça permet au moins d’éviter les sorties gênantes qui casseraient toute envie d’aller plus loin, cela montre aussi que vous n’êtes pas indifférent à l’identité de la personne qui se trouve en face de vous.
Depuis l’ouverture de son compte, Miguel ne voit pas d’amélioration nette, mais son travail reste essentiel pour prendre conscience des réalités dans le dating, qui reste un endroit discriminant où les micro-agressions ont un impact immense sur la personne qui les subit, mais aussi sur la manière de concevoir l’amour. La bienveillance devrait être au cœur de ces enjeux.
Écrit par Jennifer Padjemi